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jeudi, 08 juin 2006

vingt-six (les choses du matin)

Hier soir, match France-Chine, chez mon pote Alex dans le 10. Nous étions quatre en tout, quand l'un d'entre nous (mais pas moi) a sorti de sa poche deux bons grammes de c. On s'est tout enariné devant Zidane et consorts, c'était marrant. Résultat 10-0, pardon, 3-1.

Je suis ensuite rentré chez Constance que je ne quitte décidément plus. On a beau dire qu’on est indépendant, qu’on ne veut pas former de couple, et qu’on préfère la solitude… J'ai mal dormi, bien sûr, en tout cas, je me suis réveillé vers 5 heures du matin avec un inébranlable barreau. Impossible de rallier Constance à ma cause, la pauvre dormait tout son soûl ; j'ai résolu de passer un pantalon du mieux que je pouvais et de sortir un peu.

Il faisait frais dehors, mais de cette fraîcheur estivale qui annonce la chaleur de l'après-midi, et ça, j’adore. On voyait se lever le soleil et j’ai regretté de ne pas avoir mon Polaroïd : il lui reste toujours une dernière photo à prendre, ç’aurait été parfait. Je suis monté à la Butte aux Cailles, j’y connais une boulangerie dont vous me direz des nouvelles. C’était fermé bien sûr, mais les fourneaux tournaient déjà à plein régime en parfumant tout le quartier d’une odeur de pain chaud à se damner. Dans ces cas-là, il faut prendre patience et attendre qu’un des pâtissiers sorte fumer sa clope ; ce n’est jamais très long. Ca n’a pas loupé : j’en ai croisé un au bout d’une dizaine de minutes à qui j’ai demandé s’il était possible d’avoir du pain et des croissants. Finalement, je n’ai pris que deux pains au chocolat parce que je me suis dit qu’il était trop tôt pour rentrer, ils étaient chaud et dégoulinants, et croustillants sur le dessus ; bref, l’idéal. Je me les suis empiffrés sur un banc et j'ai pensé que j'aimerais bien être fumeur parce que c'est dans ces moments-là qu'on apprécie une cigarette. Plus tard, je suis allé prendre un express en terrasse, mais le garçon, désagréable comme sa charte de serveur parisien l’y oblige, m’a vite soûlé alors je suis rentré.

En arrivant chez Constance, un peu avant huit heures, j’ai pensé qu’avec tout ça j’avais oublié de lui ramener du pain, ç’aurait été la classe pourtant. Mais la petite avait filé. Il n’y avait plus personne chez elle, le lit était défait mais la douche avait servi. C’est pas du tout son genre à la Constance de se lever si tôt, je me demande bien ce qui lui est passé par la tête. Son téléphone ne répondait pas, on tombait directement sur son répondeur qui dit juste « Constance ». J’ai laissé plusieurs messages et puis je suis rentré chez moi.

Aucune nouvelle depuis.

mardi, 06 juin 2006

zéro (en manque)

OUAIS BON, le journal du Vernis Rouge qu'on lit comme on se fait une ligne, a disparu. "Authorization required", plus exactement, mais le résultat est le même. Mes appels désespérés à l'intéressée sont restés lettres mortes.

Aidez-moi.

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Ajout de 20h30 :

OUAIS BON semble avoir été piraté, tout comme le mail du Vernis Rouge. Découvert un message terrible ici.

Le processus de deuil peut commencer.

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Ajout du 08 juin, 11h :

Reçu un mail du Vernis Rouge. La pauvre Murielle a été tout piratée, et n'a "plus d'identité virtuelle". Aux dernières nouvelles, elle ne compte pas se refaire un blog, même si elle continue d'écrire. Oui, c'est un peu dur. Enfin c'est toujours un soulagement de savoir.

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Ajout du 15 juin :

Face à la pression de ses nombreux admirateurs, le Vernis rouge se lance dans un nouveau texte intégral Ouais bon. L'adresse du lien OK d'accord a été modifiée en conséquence. Mu, un mot : merci.

vingt-cinq (avec mon p'tit bouquet)

Puisque hier il faisait beau, et que j’avais décidé de remettre à aujourd’hui le début de ma grande semaine de remotivation (lundi de pentecôte oblige), j’ai pensé que je pourrais tenter l’expérience dite du bouquet à l’inconnue. Ca tombait bien, en rentrant de chez Constance de bon matin, l’humeur radieuse comme on pourra se l’imaginer, je n’ai croisé que d’absolues beautés fraîchement écloses de l’été, toutes vêtues de tenues légères, la jambe déjà bronzée et le cheveu doré. Je ne m’explique toujours pas l’effet du soleil sur les filles, c’est un véritable miracle ; au moindre rayon, les voilà qui sortent la tête de leur carapace hivernale, prêtes à chanter les vacances et enchanter les garçons. J’ai failli m’évanouir en croisant une petite ; la pauvre, ça ne devait pas dépasser les dix-sept ans, peut-être même seize, mais c’était l’incarnation du divin. Quelle sensation ça peut être de porter si haut la beauté ? Mystère. Bon, seize ans, malheureusement ce n’est de toute façon pas possible.

Bouleversons un peu, une fois n’est pas coutume, l’ordre chronologique de la narration. Sautons quelques heures et plaçons-nous dès à présent dans la situation du Mossian tout embouquetté de pivoines et de tournesols, et de bien d’autres fleurs bucoliques et coquines dont je ne connais pas les noms, à l’entrée Ouest du Jardin des Plantes. J’avais prévu de longer la ménagerie, puis d’aller me poster à l’entrée principale, côté Seine, afin de remonter l’allée centrale. C’était bien ma veine si je ne croisais pas quelque délicieuse à qui présenter mes hommages et mes fleurs, un genou à terre, avant de m’éclipser à contre-jour, le cœur fier et léger. Mais, j’étais mal préparé. D’abord, il faisait chaud et j’avais gardé ma veste, suffisamment encombré que j’étais par mon volumineux bouquet. Disons-le tout net, quand il fait chaud, j’ai une sale gueule. Quand il fait froid aussi, vous me direz, mais ça c’est un peu pareil pour tout le monde. Et puis, comme disait l’autre, avec mon p’tit bouquet, j’avais l’air d’un con. C’est sûr, tout le monde me regardait et rigolait. Un peu freiné par ces considérations embarrassantes, je me suis en outre assez vite rendu compte que l’endroit lui-même était assez mal choisi. Dans l’ensemble, on croisait plus de mamans à poussettes, d’enfants geignards et de chiens langue pendante que de jeunes filles en fleur. Il y avait même des gars qui faisaient leur jogging, pour le glamour, on a vu mieux.

Je ruminais ma bêtise et commençait à maudire ce journal et ses lecteurs, qui m’avaient poussé au ridicule sans que je ne me rende compte de rien, quand j’aperçus une petite jeune femme, la trentaine charmante, qui lisait sur un banc. C’était un peu embêtant qu’elle soit assise, ne pas la croiser ça ferait moins naturel, mais allez, ça me laissait le temps de réfléchir à un plan d’action. Parce que je ne savais pas trop de quelle manière aborder mon sujet. Finalement, pourquoi j’offrais des fleurs à une inconnue ? J’avais pas envie de passer pour un vilain pervers en imperméable, écumant les allées des jardins publics pour trouver une victime à harceler. Bon, j’ai pris mon parti (« pense à l’expérience », me répétais-je intérieurement) et me suis élancé avec un air d’innocence épurée finement dosé d’une pointe de malice :
— Pardon de vous déranger, bonjour, voilà j’ai ce bouquet de fleurs et je ne sais plus trop quoi en faire, j’ai pensé que peut-être il vous ferait plaisir ? (sourire idiot, goutte à la tempe et cœur qui bat)
— Vous avez un bouquet de fleurs et vous ne savez plus quoi en faire ? Pourquoi vous ne l’offrez pas à votre petite amie ? Ca lui fera plaisir, à elle !
L’argument choc. Imparable. Merde, c’était déjà mal barré. Lui dire que je n’avais pas de petite amie, c’était me condamner à la position de l’imposteur, du type louche qui n’a rien à faire avec des fleurs. Lui avouer l’expérience, et c’était le refus sans concession. J’ai tenté le tout pour le tout :
— Elles ne vous plaisent pas ? C’est à cause des tournesols ?
— Oh mais non, mais si, beaucoup, elle sont très belles…
— Et bien prenez-les. (sourire de gendre idéal)
Franchement, elle a bien failli les accepter. Elle allait tendre le bras et puis une dernière idée mauvaise a dû lui venir à l’esprit, enfin je sais pas, mais elle a souri non, vraiment, merci, avant de replonger le nez dans son roman.

J’ai ravalé ma gêne et ma honte, lui ai dit tant pis au revoir sans même chercher un ultime petit trait d’humour, puis j’ai tourné les talons. L’échec. Pire : l’humiliation. J’avais l’air malin ! Fini l’expérience, fini les fleurs. Going back home. Quelle idée j’avais eu, on veut faire plaisir et voilà ce qui arrive. Le bouquet, j’aurais pu le donner à Constance, mais ç’aurait été comme lui offrir des chaussures d’occasion... Du coup il traîne chez moi dans une bouteille d’eau découpée, parce que des vases, faut pas rêver y en a pas ici. Allez, c’est pas grave, pour une fois qu’un végétal passe la porte de chez moi.

Cela dit, mon échange avec la fleuriste, quelques heures plus tôt, a été particulièrement réussi. C’était une petite jeune fille de vingt ou vingt-deux ans environ, jolie sans être un miracle, avec les cheveux courts à la garçonne et un tablier qui s’il ne mettait pas vraiment ses formes en valeur, lui donnait un petit air mutin, voire coquin, suffisamment agréable à l’œil pour que j’engage la conversation sur des sujets plus avancés. La mignonne était donc en train de me conseiller sur le bouquet quand je me suis posé la question toute bête de savoir s’il arrivait qu’on offre des fleurs aux fleuristes. Pourquoi pas, finalement, moi j’ai jamais trouvé que les cordonniers étaient particulièrement mal chaussés. Et bien pas du tout, elle s’est arrêtée tout net la fille quand je lui ai demandé, elle s’est retournée avec un grand sourire marrant et elle m’a répondu que ça, non, depuis qu’elle était employée dans cette boutique on ne lui avait pas offert la moindre tige, et c’était la première fois qu’elle s’en rendait compte. On a rigolé, et enchaîné sur une petite conversation légère, badine, et pleine de sous-entendus - du moins de ma part. C’est toujours plus facile de séduire les fleuristes, c’est comme quand on achète des bijoux, on passe pour l’amant idéal qui fait des cadeaux avec le sourire. Bref, tout ça m’a suffi pour avoir envie de l’entraîner dans l’arrière boutique, mais allez, on n’est pas des animaux, et puis elle aurait sans doute pas été d'accord.

J’ai pensé plus tard que mon bouquet, j’aurais pu lui ramener à cette jolie petite fleuriste délaissée, elle aussi était une inconnue finalement. Mais bon ç’aurait été comme de lui avouer que je m’étais fait rembarrer. C’était lui dire que ses fleurs elles plaisaient à personne…

dimanche, 04 juin 2006

vingt-quatre (sans titre #1)

Enfin. J’ai fumé toute mon herbe. Pas mécontent de pouvoir recommencer une vie normale… Y a pas à dire, ce truc c’est marrant mais seulement si on peut se déconnecter complètement du monde extérieur, vraiment faut même pas avoir besoin de descendre à la boulangerie parce que c’est impossible, manque total de motivation et de coordination entre la tête et les membres, entre les bras et les jambes, le tout plombé d’une sévère paranoïa ; bref faut pas que ça dure plus d’une semaine. Un matin, jeudi peut-être, j’ai pris une douche et puis je sais pas, j’ai dû oublier, en tout cas j’y suis retourné un quart d’heure plus tard et une fois dedans je me suis rendu compte que j’étais déjà lavé, et je me suis dit que putain j’avais vraiment une case en moins. Et puis je dois bien avouer que les effets sur mon humeur n’étaient pas terribles, limite néfastes, qui focalisaient mon attention sur les petits accrocs du quotidien comme si c’était la fin du monde et que je ne m’en sortirai jamais.

Aujourd’hui, ça va mieux. Bon, c’est vrai, j’ai traîné une solide gueule de bois toute la journée. Constance m’a invité à dîner chez elle, hier, on a pas mal bu, tellement bu en fait que je me suis endormi sur son lit sans m’en rendre compte, enfin, je ne sais plus. Je me suis réveillé au bout d’un moment, elle était là tout contre moi, recroquevillée ; elle n’avait gardé que sa petite culotte bleue sur les fesses et j’ai trouvé ça tellement charmant. Elle ne dormait pas complètement alors on a parlé un peu, je lui ai fait des grandes déclarations parce que j’étais ivre, et que ça ne sort que dans ces moments là ; j’ai dû lui dire que je l’aimais beaucoup, pas encore d’amour mais plus que d’amitié, plus qu’une autre ou pas comme les autres, enfin voilà, c’était dans cet ordre d’idées. Ca lui a fait plaisir, en tout cas elle s’est mise à me prendre dans ses bras et à me serrer fort, et moi, il ne m’en fallait pas plus. On a quand même baisé, ça a duré toute la nuit et à la fin on entendait les oiseaux qui chantaient. On baisait, on s’endormait une heure et puis l’un des deux réveillait l’autre, et rebelote. Ca m’a éreinté, mais c’était bon, doux jésus, c’était bon.

Je suis complètement en phase avec Constance en ce moment. C’est pas toujours le cas, parfois elle me dégoûterait presque, c’est cette histoire de suicide et de cicatrices, ça me met dans des états pas possibles, c’est la peur je crois, une sale angoisse bien délétère, et puis j’ai pas toujours l’impression de la comprendre, d’être au même niveau qu’elle. Mais là au contraire, elle est radieuse de gentillesse, tellement simple, tellement jolie aussi, et puis elle se laisse faire comme j’aime, il n’y a qu’à la prendre et elle vous suit toujours. Elle s’attache d’une manière admirable. Ah ! Constance. Dommage que je t’aime plus la nuit que le jour…

Il y a quand même quelque chose qui m’inquiète, c’est que je pense encore beaucoup à Sidonie. Elle me manque, c’est certain, d’une manière assez vive, assez cruelle. J’ai même essayé de la rappeler l’autre jour, elle n’a pas décroché et j’ai laissé un message à la con, faussement enjoué, sur son répondeur. La bonne Sido, c’est pas son genre de rappeler, et c’est pas son genre non plus de dire un truc un jour et de se rétracter le lendemain. C’est une femme sérieuse, Sidonie, une femme de décision. Quand c’est fini, c’est fini, il n’y a pas d’illusion à se faire. Je ne lui en veux pas, je pense même qu’elle a sans doute eu raison de mettre un terme à notre relation, parce qu’il y a un moment où il faut savoir aller de l’avant et poser des bases solides pour se construire. Elle sait où elle va, Sidonie, c’est sûr. Elle réussit sa vie, elle ; sa carrière, ses relations, elle ne les laisse pas au hasard. Sûr que ce que je lui proposais n’était pas fait pour lui convenir. [censure éhontée d’un long paragraphe]

Enfin ! j’ai fini mon herbe, c’est pas le moment de se mettre à ressasser les vieux démons. Ce soir, je me colle un film – un Hitchcock ? non, je déconne - et au lit, une grande semaine de remotivation s’annonce.

jeudi, 01 juin 2006

vingt-trois (trois traits)

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mercredi, 31 mai 2006

vingt-deux (tu ne voleras point)

Bon. Je décide de m’y remettre. De me secouer. De sortir la tête de la couette, et d’aller voir dehors quel jour on est. Oh ! le printemps. Oh ! des gens dans la rue. Ah bon, rien n’a changé ?

C’est que depuis quelques temps, depuis ma mission chez Ch*** en fait, je me suis dangereusement laissé aller à l’oisiveté, confortablement installé sur mon tas de billets. L’oisiveté, mère de tous les vices et en tout cas de la paresse, de l’égoïsme, de la gourmandise et des penchants pour la drogue. Car donc, après avoir subi quelques semaines de déboires amoureux, ou disons sexuels, allez d’accord, relationnels, puis passé en province un week end de quatre jours mouvementés, j’ai croisé Robert, un vieil ami dont j’ai ici changé le nom afin de lui éviter d’éventuels problèmes avec les forces de l’ordre. Robert, toujours très affable, m’a proposé de l’herbe, le même genre que celle de Charlotte, celle aussi qu’on trouve dans les contrées nordiques de l’Europe ; et allez savoir pourquoi, j’ai accepté. Vingt euros, cette saloperie, et même plus : je me suis rendu compte que je n’avais ni cigarettes ni papier.

Laissez-moi vous raconter à ce sujet ma dernière petite fierté minable. Je me rends donc au bar-tabac le plus proche pour y faire les emplettes nécessaires à tout respectable junkie. Je tombe sur le patron.
— Bonjour Monsieur, il me faudrait un paquet de Marlboro et des feuilles à rouler, s’il vous plaît.
— Jeannine (le nom n’a pas été modifié, ndlr), tu vas chercher des feuilles à rouler pour le monsieur ? hurle le bonhomme à sa bonne femme, qui trafiquait dieu sait quoi dans la réserve.
Et le voilà qui dépose les rouges sur le comptoir et s’en va servir un ivrogne assoiffé qui réclamait sa bouteille. Trois bonnes minutes plus tard, la patronne ressort de sa tanière avec mon sésame vers les paradis artificiels.
— 1 euro ! me lance-t-elle sans autre forme de procès.
Là, mon cerveau s’est remis à marcher tout seul, et très vite. J’avais les clopes dans la main (cinq euros au bas mot), le vieux avait filé, la vieille n’avait rien vu, personne n’en saurait rien. En plus, j’avais justement une pièce d’un euro dans la poche, ça serait vite plié ; après je n’aurais plus qu’à filer et bye-bye Thomas Mossian ! Un plan aussi machiavélique, une arnaque aussi diabolique, mon cœur en palpitait.

Et puis ? Et puis, un étrange sentiment de crainte diffuse et sans fondement, mêlé d’une certaine volonté de droiture, de vague reste d’idée d’honneur, m’a assailli. C’était pas clair. Pas trop sûr de moi, j’ai tenté le sourire et tendu le billet :
— Ah ah, mais non madame, j’ai aussi un paquet de cigarettes.
Et là, après un bref moment d’incompréhension dans le regard bovin de la bonne femme, c’est la révélation, l’illumination, l’extase divine. Une véritable apothéose :
— Eh ben monsieur, vous êtes vraiment très honnête ! C’est… Ah ! C’est trop rare de nos jours. Combien y’en a qui seraient partis en payant la moitié ! Combien y’en a qui sont voleurs !
J’ai dit dans un rire jaune que c’était parce que j’avais peur d’avoir été filmé, et comme c’était pas drôle, elle n’a pas déridé ; mais ça ne lui a pas enlevé son étonnement ni son admiration. Vraiment, elle m’admirait.

A mon avis, c’est elle qui ne doit pas être très honnête, si le simple fait de payer la somme due lui paraît proprement extraordinaire. Je me suis promis de plus y foutre les pieds, dans leur rade pourri, à ces voleurs.

mardi, 30 mai 2006

vingt-et-un (fumée sans feu)

Pas bougé de mon lit depuis mon retour de week end. Rien écrit de valable. A peine touché à mon travail, en tout cas pas donné de nouvelles à mes patrons. Impossible de toute manière d'espérer pouvoir parler au téléphone. Je n'ai même pas la force de me caler un disque ou de m'écrouler devant un film.

Baisse de régime ? Mauvaise humeur ? Coup de blues ? Rien à voir : j'ai acheté de l'herbe.

mercredi, 24 mai 2006

vingt (de l'effet des macarons dans les cheveux des filles)

Hier soir, je suis allé à un concert. Il y avait devant moi, juste devant moi, une jeune fille blonde, pas très grande, avec les cheveux coiffés en macarons. J’adore les macarons dans les cheveux des filles. Elle portait un petit débardeur blanc tout ce qu’il y a d’estival, des anneaux très simples aux oreilles, et un collier de grosses perles en verre coloré.

L’idée m’a traversé l’esprit un moment de glisser mon bras gauche sous le sien, de sentir en passant la moiteur de son aisselle, et d’aller délicatement poser ma main au-dessus de sa poitrine ; ma dextre irait alors trouver sa gorge et lui renverser doucement mais fermement la tête en arrière, un peu sur la droite, tout en ramenant son corps contre le mien. Je n’aurais eu ainsi plus qu’à lui mordre goulûment le cou tendre et frais qu’elle m’aurait offert, pour un baiser splendide dont elle se serait longtemps souvenu.

Au dernier moment, j’ai pensé que ça ne se faisait pas.

mardi, 23 mai 2006

dix-neuf (bleue)

La première fois que je l’ai vue, c’était à Nantes, de loin, sur le trottoir d’en face. J’avais alors peut-être 22 ou 23 ans, elle trois de moins, et descendait la rue en compagnie de ma cousine Anne et d’une de leurs amies communes. Je l’ai immédiatement trouvée jolie, et plus encore ; j’en fis part à mon cousin. Lui la connaissait bien, puisqu’elle est une amie d’enfance de sa sœur, mais il semblait curieusement moins enthousiaste. « Elle s’appelle Constance ».

Constance vivait donc, comme la famille de ma mère, à Nantes, où je me rendais régulièrement. Parents très bourgeois, catholiques pratiquants, quatre enfants, la messe le dimanche. Pas de télé. Ca déconnait pas, chez eux. Tout était fait pour laisser le moins de liberté possible aux enfants, et les pousser sur les rails d’un formatage qui devait les conduire du camp scout à l’école de musique, et du rallye jusqu’à la prépa – HEC de préférence. Mais il n’y a rien de mieux, je crois, pour dégénérer des gamins. Ca n’a pas manqué… Les deux grands frères, un an d’écart, étaient des garnements plutôt vifs, et même sacrément turbulents, obligeant parfois leur mère à venir les chercher en pleurs à l’hôpital ou au commissariat. Ils volaient des cigarettes, tuaient des chats, fuguaient pour l’aventure ; vers l'âge de douze ans, ils ont cassé leur tirelire et sont partis voir les putes, qui leur ont ri au nez. Les corrections du père n’y changeaient rien. La petite sœur, pas débile mais pas loin, a fait le désespoir et la honte des parents en ratant lamentablement à peu près tout ce qu’elle entreprenait. Constance, la troisième, a toujours été la plus sage et même la plus brillante. Tout en restant, bien sûr, la plus jolie.

Un beau visage ovale, encadré par des cheveux lisses au-dessus des épaules, le plus souvent simplement attachés en queue-de-cheval, le regard ferme et sévère, un nez droit presque grec, des lèvres fines et pincées. Un long cou, des épaules bien dessinées, un corps très fin aussi. J’ai toujours trouvé que Constance ressemblait à une statue, à quelque déesse mythologique. D’ailleurs, elle ne parle pas beaucoup, n’est pas très expressive, a des mouvements délicats, particulièrement lents. Et une distance au fond des yeux, qui passe la plupart du temps pour une sorte de froideur, voire de tristesse endogène – ce qu’elle dément avec plus ou moins de succès. Et c’est vrai qu’elle n’a jamais eu l’air très heureuse, la belle Constance, malgré ses succès, ses amis, ses nombreuses relations amoureuses. Aucune véritable passion, pas d’attachement particulier pour quiconque et même au contraire, un genre de détachement de toutes choses, qui lui fait dire le plus souvent « ça m’est égal » ou « comme vous voulez ». Voilà ce qui passait pour de la sagesse aux yeux aveugles de ses parents. Voilà sans doute pourquoi elle a fait de si brillantes études scientifiques. Voilà pourquoi elle ne s’est jamais rebellée contre l’autorité, et n’a jamais véritablement fait sa crise d’adolescence. Tout semble lui convenir, elle accepte chaque chose avec sourire et gentillesse, et sans déplaisir, je crois. Mais sans vrai plaisir non plus, et parfois comme avec une pointe de fatalisme.

Voilà, je crois que Constance est fataliste. Ce qui ne veut pas dire, vous l’aurez compris, qu’elle se désole de tout, au contraire : c’est une fille qui accepte la vie telle qu’elle est, qui se plie aux événements, un vrai roseau. Pourtant, un soir, alors qu’elle vivait encore à Nantes chez ses parents, Constance rentre d’un dîner tranquille chez une de ses amies, se fait couler un bain et entreprend de s’y découper méthodiquement les veines de l’avant-bras et des cuisses, avec la lame précise de son cutter. Son sang bouillant se mêle à l’eau du bain, dans de gros nuages rouges d’apocalypse, se cheveux lui collent aux épaules, ses lèvres s’entrouvrent et ses sens s’échappent. Ses doigts se froissent et son œil se ferme. Constance, meurt. Son frère aîné, Marc, l’a découverte peu après ; inconsciente, elle vivait encore. Par chance, il est infirmier : il a su lui sauver la vie. Jusqu’à quel point ? Quelques temps plus tard, Constance quittait Nantes pour Paris, pour faire une thèse de robotique qu’elle ne finira jamais. Elle vit désormais près de chez moi, dans un appartement de sa grand-mère, avec pour seuls revenus le RMI et les largesses de ses parents. Elle est aujourd’hui encore, quatre ans après les faits, suivie psychiatriquement, mais de loin. De trop loin peut-être, enfin, j’en sais rien. Constance continue de tracer son sillon invisible sur cette Terre, en souriant, en riant souvent, mais sans avoir jamais pu expliquer – les connaît-elle seulement ? – les raisons de son geste, et toujours avec sa distance dans les yeux.


Elle n’avait pas encore ses cicatrices, lorsque nous avons couché ensemble pour la première fois. Mais comme je l’ai dit, je ne me rappelle aucun autre détail de cette nuit : quand, où, à quelle occasion, je l'ignore, et manifestement elle aussi. Je pense toutefois que ça devait être peu après notre première rencontre : je ne me souviens pas en effet lui avoir fait une cour assidue. En tout cas, ce n’était pas par amour, loin s’en faut, et nous ne sommes pas restés ensemble. Mais nous avons continués de nous fréquenter, et de baiser, comme ça, quatre ou cinq fois par an, au point je crois de nouer l’un pour l’autre une indéfectible affection, et au point qu’aujourd’hui, nos relations sexuelles sont d’une maîtrise charmante et fort agréable. Chacun sait parfaitement ce que l’autre aime donner et recevoir. Chacun sait ce qu’il faut faire ou éviter, évoquer ou taire. Je le disais, ça manque de surprise et de passion, et pourtant Constance reste une des filles avec qui j’aime le mieux faire l’amour. Elle a comme une tendresse animale et sait vous prendre dans ses bras, vous serrer contre son coeur comme personne d’autre. Aujourd’hui, elle est plus qu’une amie, plus qu’une maîtresse, et loin d’être seulement un « joker de cul » comme je l’évoquais injustement dans mon misérable éthylisme de fin de nuit. Elle est autre chose. Je ne peux pas mieux le dire ; de toute façon, Constance vit dans un autre monde que le mien, et que le vôtre.