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lundi, 07 mai 2007

cinquante-huit (vie et mort d'une enveloppe)

Ah ! voter.

Alors tout de suite, on se calme — on respire, on reprend ses esprits. Pas d’énervement surtout, pas de précipitation. Je sais bien que ces élections on nous rebat les oreilles avec depuis cinq ans, depuis les dernières présidentielles en fait, et de manière exponentielle encore. On nous aura bien battu les œufs en neige en vérité, bien fait monter la pression petit à petit ; c’était comme la folie des vacances ou la débauche des Noëls, ça a poussé et poussé de plus en plus, à la télé, dans les journaux ou le métro, dans les oreilles la bouche et dans les yeux des gens. Pour l’intéresser à la politique le populo c’est comme pour lui vendre son prochain home cinéma, y a qu’à lui faire passer des pubs sous le nez à longueur de journée en lui disant qu’il n’est même pas digne de vivre une minute de plus s’il n’adhère pas à ce qu’il voit. « Mange ça ! » qu’on lui cogne dans la tête. « Fume pas sale traître, égoïste, pollueur ! Roule dans cette voiture en signe de réussite ! Mais respecte l’environnement bordel ! Et sois beau ! Sois jeune ! Crains les vieux, ces croulants, ces bons à rien, dégage-les, pousse-les dans la tombe à la première occasion, renouvelle ton monde le plus vite possible, toujours encore et sans cesse, change de Président par exemple ! » Il prend une grande respiration alors et se sent bien exister le bon peuple quand on lui insuffle un si joli discours, quand on lui organise pareille mascarade, pareil théâtre de guignols, auquel il croit participer en plus ! sur lequel il pense peser ce naïf, cet idiot, ce méchant singe, sans comprendre que c’est lui la marionnette.

Vraiment pendant ces élections j’ai eu l’impression d’en voir qui s’étaient tellement imbibés de grandes espérances qu’ils semblaient prêts à se faire sauter sur place pour leur champion ou leur championne. Ca ergotait gaillardement, ça brandissait des théories, des analyses comme des pancartes dans une manif, ça se disputait aussi, pas mal, c’était pas d’accord avec le voisin et avec soi-même une fois sur deux ; mais rien de plus normal au fond, on appelle ça un débat. Enfin même ceux-là faut surtout pas croire qu’ils aient plus de convictions que les autres, qu’ils soient plus investis dans l’avenir de leur pays ou qu’ils espèrent seulement un monde meilleur, non... Ceux-là comme tous les autres ils ont manqué de défaillir à la dernière seconde du compte à rebours, explosé de joie ou de désespoir à l’apparition de leur nouvelle face de mairie — et c’était sincère —, dont ils vont parler abondamment c’est vrai pendant des jours et des jours, puis un peu moins, puis plus du tout ; et après pour eux comme pour tous les autres il sera temps de planifier le mois d’août à Pornichet ou en Lozère et l’hystérie recommencera. A force de se tendre des miroirs dans les médias, dans les transports en commun ou au bureau, ou entre amis, à force de se regarder vivre comme des hypnotiques on en était venu à croire que l’image qu’on recevait c’était celle de la vraie vie, qu’on n’avait plus qu’à reproduire plus ou moins ce qu’on trouvait dans le cadre pour se faire sa place en société. Sauf que c’est jamais son reflet qu’on voit s’agiter là devant soi, mais celui des autres qu’on nous propose, qu’on nous impose en somme. C’est l’heure d’être citoyen on nous a dit. Soyons citoyens.

Mais qu’on n’aille surtout pas croire que je fais la morale à quiconque, hein. Je suis comme tout le monde, je rêve d’amour, de pognon et de vacances, et de jeunesse, et du dernier sondage à paraître. Moi aussi j’ai été contaminé par toute cette agitation malsaine. Moi aussi j’avais l’impression que le résultat des élections allait changer ma vie à jamais, que rien ne serait plus comme avant, que choisir la prochaine idole était de la première importance pour moi et mon pays — essentiel au point que le reste du monde pouvait crever allègrement sous la haine et la misère ; on s’en fout. Comme pour la finale de la Coupe du monde j’aurais préféré mourir foudroyé plutôt que de rater la grande joute oratoire des deux derniers finalistes ou l’annonce des résultats. Au premier round j’étais même plutôt sûr de mon idée en glissant le bulletin dans l’urne, c’est assez rare pour être signalé, j’étais tout gonflé même de conviction et du sentiment du devoir accompli... j’avais traversé la capitale vers le bureau de vote de mon ancien quartier en pensant très fort à la France et à l’avenir, et à l’Histoire en somme... Les gens autour de moi avaient le pas décidé, assuré, presque fier et très différent d’un dimanche classique ; ça marchait droit sous le soleil, et dans les yeux ça portait une lueur particulière comme une fleur au fusil. J’ai pensé avec le recul que c’est avec ce genre de discours, avec ce genre d’ambiance particulièrement extasiée aussi et toute montée en soufflé, qu’on arrive à convaincre finalement des types à se tirer dessus de part et d’autre d’une frontière. C’est pas tambouille différente.

Cette soupe-là d’ailleurs ceux qui la servent ils sont pas les derniers à en bouffer. Au final ils en sont tellement gavés par exemple nos blancs candidats comme des oies que les yeux leur sortent des orbites, que c’est plus des discours qu’ils déclament mais quelque chose entre le glapissement et l’éructation, entre le plaisir de satiété et la souffrance de l’endurance. Ca se gorge par-delà la glotte et ça finit par vomir mécaniquement, industriellement, une ratatouille infâme dans laquelle on trouve de tout et dont on va devoir se choisir les morceaux les moins baveux. Bon appétit ! Merde c’est pas humain cette frénésie. Je peux pas cautionner ça... Je peux pas voter pour ça ! J’ai bien failli ne pas voter d’ailleurs. Au vu de la participation du premier tour, j’ai manigancé machiavélique, s’abstenir au second passera pour contestataire ; et la contestation sous la couette, en voilà un concept qui me plaît ! La révolte sur l’oreiller ! Sauf que dans un sursaut de lucidité je me suis rappelé John et Yoko, les hippies et tout ça, et poussé par la honte j’ai filé sans plus attendre dans l’isoloir me fermer une enveloppe bien vide et bien stérile. Voter blanc ne sera jamais une solution je le sais. Sans compter qu’on va se torcher généreusement le cul avec mon bulletin... Drôle d’impression que de faire un geste qui ne sert à rien en fait, n’aura aucun écho, aucun sens, aucune portée. Pas même l’humour du bulletin nul, rien de sa dernière révolte un peu suicidaire. De la branlette en somme. Un peu comme parler tout seul... Un peu comme tenir son journal.

L'enveloppe vide au fond, comme toujours, c'est moi.

Commentaires

Tenir son journal comme tu dis, c'est un peu plus que de la branlette... quoique... D'un côté, c'est bon de le faire sur le moment, orgasmique peut-être pas puis après, pffuiiiit, quedalle, plus rien... Retour à 0.
Je suis répugnée par cette campagne. On a été gavé comme des oies avant Noël, alors maintenant, qu'ils nous laissent digérer en paix maintenant et qu'ils se la ferment!!!!

Écrit par : Dorothée membre de la FAPM | lundi, 07 mai 2007

Salut!
je me reconnais tellement dans cette euphorie stérile, in fine, que ça me rajoute une couche au désespoir et de lassitude. Mais je veux rester optimiste, et croire que je participerai au combat de cette droite cauchemardesque.

Tu es un écrivain du réel, tu es actuel dans le sens de "témoin du réel", tu es une abeille, le pollen serait le réel actuel et le miel serait tes textes!

à +

Écrit par : sofu-sofu | lundi, 07 mai 2007

Dorothée : retour à zéro, je confirme.

Sofu : hou là ! t'es militante alors ! (gasp) A part ça, merci ! j'aime bien les abeilles.

Écrit par : Thomas | mardi, 08 mai 2007

moi je m'effraie un peu en somme de ne pas avoir été sans doute assez conscience de cette soupe... de la branlette? et apres? c'est ephemere mais ca comble parfois l'enveloppe un peu vide...

Écrit par : ardence | mercredi, 09 mai 2007

ça, c'est sûr ! question enveloppe, elle risque d'être chaque fois plus
vide pour la plupart d'entre nous
c'est pas grave, on se fera une branlette Ensemble

Écrit par : mer | mercredi, 09 mai 2007

J'aurais dû choisir un autre mot, celui-là dans la bouche des filles et même sous leur plume, c'est carrément pas possible. Oui, je sais, c'est la morale judéo-chrétienne.

Écrit par : Thomas | mercredi, 09 mai 2007

chochotte, va !

Écrit par : mer | mercredi, 09 mai 2007

ah la morale judeo chrétienne ça te passera avec les années, c'est sûr... en même temps je peux comprendre que sous une plume féminine tu aies besoin d'un mot plus soft ne serait-ce que pour adoucir tes projections visuelles... oh shocking!!!!!
allez les filles c'est parti, qui aura le plus joli mot? ;)

Écrit par : ardence | mercredi, 09 mai 2007

une teulbran ? :-)

Écrit par : mercedes | jeudi, 10 mai 2007

Je ne rêve pas de pognon.

Écrit par : Jonas | jeudi, 10 mai 2007

Ardence et Mercedes : j'aime bien le mot gnognotte, aussi. Ca sonne un peu pareil. Mais bon l'idée c'était l'acte gratuit, qui ne sert à rien. La semence qui se perd. Comme baiser quand on n'aime pas, aussi. Gasp.

Jonas : trop fort ! :D Si tu ne rêves pas de pognon, c'est que t'en as peut-être ? L'argent j'aime bien ça moi, j'adore ça le claquer... on n'imagine pas ce que je serais capable de faire avec ;)

Écrit par : Thomas | jeudi, 10 mai 2007

c'est bien Thomas je vois que tu nous recadres, que tu nous évites de nous enliser un peu plus vers cette envie de printanitude... :) alors ok j'arrête et je me sens désolée d'avoir osé lancer le jeu du mot qui fait du bien le plus joli...

Écrit par : ardence | jeudi, 10 mai 2007

oh quel trouble fête !

Écrit par : mer | vendredi, 11 mai 2007

Tiens vous revoilà...

Écrit par : noir intense 35 | mardi, 15 mai 2007

ha vu comme ça...

Écrit par : abs | dimanche, 20 mai 2007

Vu comme ça quoi ? Désolé je suis un peu décalé là.

Écrit par : Thomas | lundi, 21 mai 2007

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