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lundi, 10 juillet 2006

trente-cinq (les notes fantômes)

« Le problème, c’est qu’il ne t’arrive rien. Tu peux aisément écrire sur le fait que tu souffres de la chaleur, tu noircis des pages et des pages à dire que tu t‘ennuies, tu multiplies les notes où tu exprimes ta propension à tourner en rond. Non pas qu’il y ait vraiment à redire sur la forme, ou que l’ensemble soit totalement dénué de fond, mais tout ça manque tout de même cruellement d’action, de rebondissements, de coups de théâtre ; bref, de la vie de Thomas Mossian, il ne reste guère plus que les opinions – et encore. »

C’est un fait. J’ai commencé ce journal en parlant de mon quotidien, de Karen la Danoise, de mes déboires avec Sidonie, puis de l’ensemble de mes mésaventures féminines, j’ai aussi évoqué mon travail du mieux que j’ai pu. Ca ne se passait pas trop mal ; il se publiait ici pas loin d’une note par jour. Et, très vite, l’oisiveté a repris le dessus de mes activités professionnelles. J’ai retrouvé Constance, que je persiste à appeler maîtresse et qui n’est certes pas encore une compagne officielle, mais qui a pris cependant une place importante dans ma vie, ou, du moins, dans mon emploi du temps. Me voilà donc endossant le statut peu enviable du type casé et quasi-chômeur ; si l’on ajoute à cela que rien ne me dispose à sortir ou à voir du monde en ce moment, on comprendra que ce n’est pas sur ces pages qu’on trouvera beaucoup d’animation.

S’ajoute à cette oisiveté un autre obstacle à la narration : le manque de qualité, tout bêtement. On n’imagine pas le nombre de notes, sous forme de brouillon ou même intégralement écrites, qui encombrent mon ordinateur, mais que je ne publie pas parce qu’elles ne sont plus à mon goût. J’écrème à longueur de journée. J’ai pu raconter par le détail, au cours du seul dernier mois, pas moins de quatre événements d’envergure : près de deux semaines de travail acharné, et pour trois employeurs différents, un week end prolongé en Ardèche, avec une bande de potes bien remontés, et deux mariages en Bourgogne. Ma mission chez Ch***, en pleine Coupe du monde, méritait à elle seule cinq pleines pages, que j’ai remplies mais que personne ne lira, dans leur intégralité tout du moins. J’y décrivais notamment comment j’ai passé cinq jours longs et difficiles, mais entouré par chance d’une myriade de jeunes collègues toutes plus belles et aguichantes les unes que les autres. Extrait :

« D’abord, Alice. Brune, bouclée, petite gueule juvénile, gros seins et gros cul qui mettaient subtilement sa taille de guêpe en valeur. Un déhanché comme j’en ai rarement admiré. Talons, vernis et rouge aux lèvres, une vraie femme d’à peine vingt-trois ans, pourtant. Alice, c’est la stagiaire. Une bombe. Celle-là, j’ai une envie de me l’attraper sans préliminaire sur le bureau le plus proche, et de la punir un peu de son effronterie. Parce qu’évidemment : elle est effrontée. Elle sait qu’elle est belle, qu’elle est bonne, qu’elle est désirable. Elle sait qu’elle plaît et qu’on la regarde ; elle aime et désire qu’on la regarde. On s’est assez mal entendu. Elle n’est malheureusement pas très maligne. (…)

Puis très vite, est apparue Florence. Bon c’est pas le prénom le plus sexy, et d’ailleurs c’est pas non plus la fille la plus sexy. Florence, c’est la chef de service, alors elle a des lunettes effilées et les cheveux tirés en chignon, un peu comme une secrétaire, beaucoup comme une chef. Sympa, souriante, très accessible, pas stressante ; vraiment la chef idéale. Physiquement, elle est fine et grande, presque plus que moi (ce qui est toujours assez gênant), en fait on a la même taille si je me tiens bien droit. Un bon exercice, finalement. Elle a les cheveux blonds ; non, châtains, des yeux noisettes, un tout petit nez dans un parfait triangle, et une peau d’une rare pureté sans une trace de maquillage. Un teint en totale harmonie avec la couleur de ses yeux et de ses cheveux. Une beauté très simple, en somme, tout ce que j’aime. On a beaucoup parlé.

Florence est mariée depuis deux ans, avec un ingénieur : forcément. Son père est Tchèque, ce qui ne m’étonne pas du tout quand je me rappelle les filles de Prague... Du coup, Florence porte son nom tchèque accolé à celui de l’ingénieur, pour qu’on n’oublie pas qu’elle sait boire de la bière aussi blonde que ses joues et qu’elle a une facilité naturelle pour les langues : elle en parle cinq, couramment. Voilà qui m’a toujours fasciné. Comme j’ai très envie de coucher avec elle, je n’ai cessé de lui faire quelques petits compliments très discrets l’air de rien, comme ça, dans la conversation, et quand elle a été bien habituée j’ai fini par lui sortir une grosse vacherie devant tout le monde, qui manifestement l’a vexée plus que de raison. Le bon prétexte pour juger de son attachement, lui présenter par la suite de plates excuses de gentleman et créer de la sorte une véritable complicité adultère. Depuis qu’on est réconcilié, on se parle plus près, et plus bas. Le seul problème avec Florence, c’est son côté plan-plan, vie toute tracée, hautes études, fiançailles, mariage, bientôt les enfants, le chien, le pavillon et les migraines. Ses goûts s’en ressentent, elle qui n’aime que ce qui est normal et accessible, et correspond avec la droite manière dont elle a été éduquée.

Il y a aussi Margot, Marguerite en vrai, avec qui j’avais déjà travaillé la dernière fois, qui fume dix pétards par jour - au boulot de surcroît -, a un corps de rêve mais qui n’est pas très belle, pas très classe ; elle se révèle cependant, jour après jour, d’excellente compagnie. Il y a l’autre Alice, blonde celle-là, et Sophia le petit chat persan, terrible. Et enfin, il y a Jeanne.
(…) »

S’ensuivait une longue tirade au cours de laquelle je m’emballais un peu de trop sur la Jeanne en question, comme ça m’arrive si souvent. Faut dire que je m’en souviendrai, de celle-là… Bon, on peut voir que même au boulot, mes obsessions restent toujours aussi bassement pratiques. Pareil pour les mariages. Parce que soyons francs, pourquoi se rend-on aux mariage des autres ? Pour partager leur joie, célébrer leur union prétendument éternelle, ou pour boire du champagne, manger des petits fours au saumon et rencontrer des filles en jolies robes d’été ? Les premières noces, le mois dernier, n’ont pas vu mes espoirs se réaliser : peu de filles, et surtout beaucoup trop d’alcool. C’est à cette occasion que je me suis battu avec un local et que je me suis pris un retentissant coup de boule :

« Un coup de tête bien placé, juste au-dessus du nez et bien entre les deux globes, ça fait vraiment très mal. Immédiatement la douleur remonte au cerveau, fait pisser les yeux, ankylose les membres. On ne voit plus rien, on ne tient plus sur ses jambes, et putain, on a envie de dire stop, temps mort la baston. Pourtant c’est souvent à ce moment que le pernicieux adversaire en profite pour vous en coller une dernière dans la mâchoire et vous mettre définitivement hors-jeu, voire même K.O. Et c’est bien ce qui m’est arrivé. Allez, ennemi d’un soir, je ne t’en veux pas. C’est moi qui, correctement imbibé, ai déclenché les hostilités en draguant ouvertement et maladroitement ta copine, c’est moi aussi qui ai jeté de l’huile sur le feu, moi encore qui le premier t’ai empoigné pour tenter vainement de t’en coller une ou deux. Ce n’est que justice si tu as répliqué.

Je m’en serai pris, des coups dans la gueule, au cours de mon existence chaotique. J’en aurai donné, aussi. Je dois confesser qu’en plus d’être paresseux, instable, injuste, prétentieux, égocentrique et incapable de la moindre ponctualité, j’ai hérité d’un certain mauvais goût, allez, d’un mauvais goût certain, pour la bagarre. Que voulez-vous, c’est tellement inhérent à mon personnage que c’en était fatal. Le fait de me battre flatte à la fois mon ego et ma virilité, tout en me ramenant à cet état de nature qui m’est si cher.
»

Et hop ! de dérailler sur un laïus bien réac qui prônait ouvertement la baston, arguant de ses joies et même de ses avantages (« La baston, c’est la loi primaire du plus fort, et j’aime ça »). Ridicule, pitoyable, et mal écrit. Bref. On oublie ça et on enchaîne directement sur le week end ardéchois, dont je ne propose aucun extrait parce que si j’ai déjà honte des précédents, celui-là, tout étiré de descriptions panoramiques et de réflexions remâchées sur l’urbanité et la ruralité, n’est tout bonnement pas sortable ; et enfin le mariage d’hier, de nouveau en Bourgogne. De cet épisode, je n’ai écrit que le début d’un compte-rendu qui paraissait, dès les premières lignes, bien trop long et détaillé, alors qu’il n’avait pour but que d’en arriver à ce seul événement important : j’ai dormi avec deux filles. Attention je n’ai pas dit : « couché », mais bien « dormi ». Je m’expliquerai plus avant dans une prochaine note, c’est promis. Sachez pour autant que c’était génial, une des meilleures nuits de toute ma vie.

Voilà. Tout ça pour répondre à mon amie G., celle du Jardin des Plantes, celle que j’embrasse au passage, si elle me lit, que non, je ne fais pas que ruminer en tournant en rond dans mon appartement. Il m’arrive plein d’aventures, en fait, mais si je ne les raconte pas, c’est peut-être que je n’en ai pas le talent. Moi, je suis fait pour ronchonner, avant tout. Ne trouverais-je ma seule véritable qualité d'écriture qu'en râlant, pestant et maugréant ?

Commentaires

Mais non Thomas, tu te racontes des histoires, je suis sûre que tu peux raconter autre chose que des raleries, d'ailleurs tu l'as déjà fait sur ce blog. Quand à dérailler sur des propos sans interret, ma foi, personne n'est à l'abri et puis il ne faut pas oublier que parfois ce qui semble ininteressant pour toi, ou pour certains, interessera les autres.
Courage! reprend du poil de la bête p'tit thomas!!! :o)) Moi j'aime beaucoup ton style...

Écrit par : libellul | lundi, 10 juillet 2006

J'aime te lire, ...et le passage avec Alice donne une autre couleur à ton écriture... "petit coquin!"
Pourrais-tu décrire d'autres fantasmes associés à des personnes que tu apprécies plus "humainement" ; apparemment, Alice n'étant pas ton genre de femme tu t'es autorisé à la "Prendre" sauvagement sur le lieu de travail?
J'aimerais lire tes autres notes, ne pourrais-tu pas créer un "lieu" parallèle, dans ce blog même?
Bonne nuit !
Sophia
PS : le petit chat persan était-il "brune", ou "blonde" ?

Écrit par : sofu | lundi, 10 juillet 2006

Libe : le problème ne vient pas vraiment de l'intérêt des propos, mais bien de leur qualité... Et je ne traverse aucune phase de démotivation ! Tout va bien, merci! ;)

Sofu : Merci de ton passage ! Tu vois je n'avais même pas pensé que je "connaissais" déjà une Sophia. Ton homonyme est d'origine iranienne, très belle brune aux fins yeux noirs, une splendide peau dorée et un cou à croquer. Mes fantasmes, heu... en ai-je vraiment ? Disons que j'aime bien réaliser mes désirs, alors je ne crois pas qu'on puisse encore parler de fantasme ! Voilà, quant à lire mes notes fantômes, alors là tu rêves ;) Il faut savoir être exigeant avec soi-même !

Écrit par : thomas | mardi, 11 juillet 2006

Merci de screener avant de nous servir des lectures. Cependant trop de filtre tue le filtre.

Ce commentaire est publié dans son intégralité.
Non testé sur des animaux.

Écrit par : Zaz, virgule | mardi, 11 juillet 2006

J'adore ta facon de parler des femmes, franc mais subtil. Tres seducteur le Thomas sous son cote raleur...

Allez, avoue, tu le sais tres bien que c'est ca qu'on aime nous les femmes ? Vas-y, fais pas semblant, t'es demasque ! ;-)

Écrit par : PF | mardi, 11 juillet 2006

Zizou, i sait mettre les coups de boules LUI. I saigne pas. C'est tout. C'est-tout.

Écrit par : Kir | mardi, 11 juillet 2006

Zaz nocturne : pas idiot, je testerai mes notes sur des animaux à l'avenir.

PF : ah oui ? je pense que cette fois ça ne va pas plaire à tout le monde, à cause de mes propos sur Alice, la pauvre ! En tout cas "franc mais subtil", ça me fait plaisir.

Kir : ah non mais je n'ai quand même pas saigné. Non là où ça devient gênant les coups de boules, c'est que ça fait pleurer les yeux...

Écrit par : thomas | mardi, 11 juillet 2006

"j’ai dormi avec deux filles. Attention je n’ai pas dit : « couché », mais bien « dormi ». Je m’expliquerai plus avant dans une prochaine note, c’est promis. Sachez pour autant que c’était génial, une des meilleures nuits de toute ma vie. "

Quel teasing...;) J'attends la note :p

Écrit par : karine | mardi, 11 juillet 2006

Trop trop fort Thomas Mossian. ;-) bisous

Écrit par : Brige | mardi, 11 juillet 2006

Karine : tu crois vraiment que je succombe à cette mode de marketing primaire ? ;) Non, mais la note était déjà beaucoup trop longue...

Brige :)

Écrit par : thomas | mardi, 11 juillet 2006

Hello;
pourquoi donc nous priver de ces excellentes notes ? ces quelques extraits, bien croustillants à souhait, nous mettent en appétit; nul risque qu'on s'ennuie à les lire, ça c'est sûr; quant à la qualité de tes propos tu rigoles; on t'a déjà dit 10 fois, 100 fois, 1000 fois que tu écrivais comme un Dieu; d'ailleurs pour moi tu es écrivain et ce blog te sert de laboratoire d'écriture; ou bien alors tu es Dom Juan revenu sous une forme virtuelle pour nous séduire, nous tes fidèles lectrices haletant d'impatience chaque matin à l'ouverture de ta page; écrit-pas écrit ? opération successfull, je suis sous le charme de ta prose, de tes histoires, de ton personnage, avec sa part de vérité et d'ombre; j'ai hâte de lire la note 36...

Écrit par : carareglisse | mercredi, 12 juillet 2006

Cara : un écrivain ?! Merci, mais j'ai plutôt l'impression de faire du sous-Marc Levy, c'est dire... et ce n'est pas de la fausse modestie. Du coup, l'écrémage est nécessaire et obligatoire... ;)

Écrit par : thomas | mercredi, 12 juillet 2006

Hullo

I' ve been lurking in the dark, awaiting your notes. I join careglisse on this one. There is not need for me to say how I enjoy reading your prose. She puts it so much better than I could have. ;)

Écrit par : Neblina | mercredi, 12 juillet 2006

tu nous ferais pas un p'tit coup d'auto-flagellation pour qu'on te rassure, parce que c'est vrai que t'écris bien bon sang !!

Écrit par : elsalou | mercredi, 12 juillet 2006

Neblina : what a beautiful first name, where is it from ? No need to lurk, I'm so glad and honoured to draw foreign readers here... Thanx for coming and leaving a comment !

Elsalou : Non, non, non ! Encore une fois ce n'est pas de la fausse modestie ! Il y a des notes qui me plaisent, et d'autres qui ne me plaisent pas. J'ai publié l'histoire du bouquet (note 25) alors que franchement... Allez, merci ;)

Écrit par : thomas | mercredi, 12 juillet 2006

Je re-débarque.... Intéressant ce processus narratif servant de fil rouge pour raconter des morceaux choisis qu'on trouvait au départ sans intérêt... mais qui prennent tout leur sens dans ce nouvel environnement...
On aime ta prose Thomas, on te lit parce que tu écris bien c'est vrai, mais bon sang, on n'est pas le jury du prix Goncourt non plus, tu as droit à tes faiblesses et à tes tournures approximatives comme tout le monde, même à des redondances si ça te chante, après tout, on reviendra quand même, car on aime les contes par-dessus tout, et le plus important c'est l'énergie et la conviction du conteur, quelles que soient ses imperfections!
Enfin, je dis on, je dis moi, je pourrais dire elle, je suis un peu mytho à mes heures!

Écrit par : Ana | jeudi, 13 juillet 2006

Portuguese-Spanish. It means fog/mist ;-)

Écrit par : Neblina | jeudi, 13 juillet 2006

Ana : alors toi tu n'as pas compris le maniaque de l'auto-exigeance que je suis...
Neblina : ?!? I believed Portuguese and Spanish people didn't know what fog was ! ;)

Écrit par : thomas | vendredi, 14 juillet 2006

Mais si mon cher, j'ai très bien compris, je voulais simplement dire que nous ne sommes pas aussi maniaques que toi et pouvons te pardonner tes imperfections car ce n'est pas le principal!

Écrit par : Ana | vendredi, 14 juillet 2006

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