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jeudi, 15 juin 2006

vingt-huit (les jours en creux)

Mardi, avant-hier en fait, en faisait partie. De ceux où l’on ne se lève pas forcément tard, mais pas bien tôt non plus, disons, dix heures. Ceux où l’on traîne membre à l’air jusqu’à midi, une heure, sous prétexte qu’on répond à ses mails ; où l’on hésite à se laver, avant d’y aller quand même sans trop savoir pourquoi. Question de dignité, esprit de responsabilité, ou peut-être simple désoeuvrement.

Et tout s’enchaîne mollement. En sortant de la douche où l’on s’est gorgé comme une éponge, à la limite de la noyade, on cherche pendant dix minutes quelle musique on pourrait mettre, avant de choisir le disque de la veille, et de l’avant-veille, et sans doute aussi du lendemain. Moi les disques, j’en achète pas beaucoup, et je les rentabilise bien. Il y a quelques années, l’album de C. a tourné pendant trois mois dans ma platine, chaque jour. Je l’aimais bien parce qu’il durait une heure tout rond. C’est comme les flashes de France Info : ça me sert de métronome dans mes journées. Le journal c’est toutes les sept minutes, le disque, toutes les soixante ; avec ça, on sait où l’on en est - on est réglé. Bref. Il est déjà bientôt quatorze heures, on n'a rien à se mettre et ça tombe bien : le repassage est une activité qu’on adore sans ironie. Pas du tout dégoûtant comme la vaisselle. A vrai dire non, la vaisselle aussi on aime bien, plus tard on lavera quelques casseroles, d’ailleurs.

Pendant que le fer chauffe, on remarque ses ongles de pied. Diablement longs. Tordus. Cassés. Incarnés. On s’avise d’arranger ça même s’il aurait fallu s’en occuper au sortir de la douche, quand ils étaient bien ramollis par l’eau et la chaleur. Et puis, tant qu’à faire, autant couper ceux des mains. On relance le disque. On se repasse un pantalon, deux chemises, ça a pris plus de temps que prévu parce qu’on a envoyé un mail ou deux entre temps. A quinze heures on est habillé, on se regarde dans un miroir, on a encore oublié de se raser et on se dit aussi que la calvitie progresse, à défaut de la carrière. C’est un bon début : je ne connais pas un type célèbre qui ne soit pas chauve. Célèbre parce qu’il est brillant, attention. Le miroir, ça peut durer longtemps, c’est vraiment une activité fascinante que de se regarder vieillir. Moi, même après trente ans d’existence, je ne suis toujours pas habitué à ma gueule : non pas que je ne l’accepte pas, ça je m’en cogne, mais elle me surprend toujours autant. J’en reviens pas d’être là, comme ça, face au miroir, j’en reviens pas que ce soit moi.

Ensuite - ou même avant, dans ce genre de journée la chronologie importe peu -, on fait bouillir l’eau du café. On s’avise qu’il est seize heures, peut-être même dix-sept, alors on va plutôt mettre du riz à cuire, trop bien, du riz. Et puis il faut savoir se satisfaire de ce qu’il reste dans les placards. Avec des cornichons et cette vieille tranche de jambon coupée en carrés, on va se régaler. Dommage qu’on n’ait pas la télé parce qu’en ce moment c’est Coupe du monde, trois matches par jour et tout et tout. Dommage aussi qu’on ne soit pas fumeur, ni amateur de bandes dessinées ou de jeux vidéo ni même sportif ou intellectuel, on saurait comment s’occuper. On va se sortir un bouquin, histoire de, alors Camus, non, trop déprimant, Céline, non plus, encore pire, Cioran… merde, on est maudit ! Ce seront finalement quelques passages marqués de « L’Immortalité » de Kundera, qui est meilleur littérateur que philosophe et qui voudrait le contraire, mais ça ne fait rien, c’est quand même intelligent.

Le temps passe comme ça, à ne rien faire. On grignote un peu, un se met une heure au travail, on envoie un mail et on se replonge dans son bouquin, ou son journal, ou ses pensées. On se dit par exemple en voyant le soir qui approche qu’on ne sera pas sorti de la journée. Qu’on n’aura pas vu le soleil ni prononcé la moindre parole. On pense enfin que c’était pas vraiment la peine, et même vraiment pas la peine, de se lever aujourd’hui : autant passer directement du lundi au mercredi. Ca aurait changé quoi ? Aujourd’hui, on n’aura servi à rien, à personne. On n’aura pas fait tourner le monde, ni même avancer sa propre existence. Mais bon, la plupart des gens, finalement, passent leur vie à ne servir à rien. Ils naissent un jour, meurent après dix, vingt, cinquante ou quatre-vingt-dix ans pour les plus acharnés, et entre les deux en ont à peine plus rempli que moi ce mardi.

Puis le soir tombe complètement et on sait déjà qu’on ne sera pas couché avant deux heures du matin.

***

Pardon pour mon absence et merci pour les quelques marques de soutien - d'attachement ? - que j'ai pu observer ici ou là. Ca fait plaisir, et même plus : c'est motivant.

***

J'ajoute d'autre part que la note "zéro (en manque)" a été modifiée, pour mon plus grand soulagement.

Commentaires

cette note est très belle, très visuelle, très esthétique et c'est très Ouais Bon mais en mieux structurée, en plus adulte et sans les fautes.
et en plus tu repasses et tu te coupes les ongles, je trouve ça génial.

Écrit par : Le Vernis rouge | jeudi, 15 juin 2006

Merci Mu, j'ai moi aussi remarqué l'influence Ouais bon... Tes notes sont quand même moins geignardes. T'as juste oublié de dire que je fais aussi la vaisselle

Écrit par : thomas | jeudi, 15 juin 2006

Ah contente de te revoir, c'est pas encore la forme olympique, te lire est toujours un plaisir!

Écrit par : elsalou | jeudi, 15 juin 2006

AH ces journées de lose! J'en ferais presque mon lot quotidien en ce moment, si je ne me foutais pas de temps en temps des coups de pied au cul. La bise Thomas, c'est 'achement bien de te revoir vite.

Écrit par : Ana | jeudi, 15 juin 2006

Elsalou : merci ! c'est réciproque.
Ana : oh ben non faut pas en faire son lot quotidien sinon tu t'habitues. Juste une fois de temps en temps pour réfléchir au sens de la vie tu vôis quôi ;)

Écrit par : thomas | jeudi, 15 juin 2006

"On pense enfin que c’était pas vraiment la peine, et même vraiment pas la peine, de se lever aujourd’hui : autant passer directement du lundi au mercredi. Ca aurait changé quoi ? Aujourd’hui, on n’aura servi à rien, à personne. On n’aura pas fait tourner le monde, ni même avancer sa propre existence"

Mêmes pensées que toi certains jours... Ceci dit aujourd'hui tu as servi à quelque chose, je te rassure! :o) puisque tu as écris une note que nous autres on a pris plaisir à lire, et qui nous a fait nous interroger sur notre vie en ce bas monde... (et qui suis je et ou vais je et pourquoi??? :o))))

Écrit par : libellul | vendredi, 16 juin 2006

et dans quelle étagère...

Écrit par : Ana | vendredi, 16 juin 2006

Libé (!) : Bonne idée, on va aborder la question qui suis-je prochainement. Ca prendra, au choix, dix lignes ou dix mois de notes...
Ana : euh, pardon ?

Écrit par : thomas | vendredi, 16 juin 2006

Qui suis-je, où vais-je, et dans quel état j'erre. Pffff... faut tout leur expliquer de nos jours...

Écrit par : Ana | vendredi, 16 juin 2006

Yeppp...toujours autant de plaisir de te lire...et contente que tu sois revenu...:)

Écrit par : karine | vendredi, 16 juin 2006

Aaaaaaah, ben voilà, Thomas est revenu.
Ca faisait un creux dans mes lectures quotidiennes, j'ai failli t'en vouloir (ouais depuis que je fume plus, je suis super agressive!!)
A part ça les journees loose, elles ont ça de bon, c'est qu'on apprécie beaucoup plus les autres jours après!!

Écrit par : Soph | vendredi, 16 juin 2006

Coucou Thomas, ben comme tu es revenu, j'annonce la dissolution de ton comité de soutien :-) bises.

Écrit par : Brige | vendredi, 16 juin 2006

Ana : hu hu hu !
Karine : merci :)
Soph : ah non mais pour moi ce n'est pas une journée lose ;)
Salut la Brige, bises aussi. Dissous, dissous. Je regrette que tu n'aies rien à dire sur ma note ah ah a

Écrit par : thomas | vendredi, 16 juin 2006

Youpi ! t'es de retour !
Ben moi je suis dans le même état que toi ; pendant 3 jours je me suis sentie mal avec le pic du malêtre MARDI...
la preuve, ma tronche du mardi 13 juin : http://sofu.over-blog.com/article-3002504.html

J'aime te lire, que tu sois en extérieur, ou en intérieur, dans les rues de Paris, ou entre tes 4 murs... merci d'être revenu.

Écrit par : sofu | vendredi, 16 juin 2006

@Thomas : oui désolée j aime beaucoup ta note, mais ça devient lassant les compliments à force, non ? ;-)

Écrit par : Brige | vendredi, 16 juin 2006

Ouais remarque c'est pas une journée loose vraiment t'as raison !!

Écrit par : Soph | vendredi, 16 juin 2006

Sofu, mince alors, t'es chouette. En plus tu montres tes seins à tous le monde, c'est classe ! ;)
Brige : lassant, les compliments ? Quelle idée !
Soph : tu vois ? Toi aussi t'as la classe d'arrêter la clope alors que t'es en panique de docteur.

Écrit par : thomas | vendredi, 16 juin 2006

Je découvre aujourd'hui...
Pas au courant que tu étais parti, mais contente que tu sois revenu.
C'est *chouette* ici.
Vraiment.

Écrit par : Kir | samedi, 17 juin 2006

je sors de l'ombre pour te dire mon plaisir de te lire à nouveau!

Écrit par : lilibelle | samedi, 17 juin 2006

Kir, Lilibelle : Mince, je dis quoi, moi ? Merci ? Tiens, oui, merci.

Écrit par : thomas | dimanche, 18 juin 2006

Tres contente de te voir de retour.
J'adore ces journees qui ne servent qu'a une celle chose : prendre le temps de vivre et en avoir conscience. Ces moments sont tellement rares !

Écrit par : PF | dimanche, 18 juin 2006

Moi c'était hier la journée de loose; le début tout pareil sauf que je me suis écoutée 4 cd d'affilée, achetés la veille; j'ai aussi fait ma vaisselle et couper mes ongles de pieds; mais j'avais pas de quoi les vernir, faut que j'aille me ravitailler; 16h, je me suis faite toute belle et je suis partie à la fnac où j'ai encore acheté 2 cd (pas bien..., les cd oui; c'est l'achat compulsif qui est jugé là); j'ai tenté de draguer le joli vendeur du rayon rock indé, sans résultat; moral un peu entamé mais j'y croyais encore, j'avais sorti une de mes plus belles jupes; bref, direction le parc bercy où j'espérais bien rencontrer un gentil garçon, un peu bad boy sur les bords; total tout ce que j'ai réussi à séduire, sans le vouloir, c'était un gros naze bien lourd et je me suis vite sauvée; j'ai encore dormi seule; pathétique, déprime à l'horizon;
Mais on s'en sortira, hein ?! on peut pas looser toute sa vie; enfin j'espère... pitié !!!!

Écrit par : Carareglisse | dimanche, 18 juin 2006

PF : très content de te voir de retour sur ces pages.
Carareglisse : alors toi t'as été maquée pendant dix ans et tu oses dire "on peut pas looser toute sa vie", mouarf ! Ya plus à plaindre ! Mais enfin si tu en as trop marre de dormir seule, ça peut s'arranger. Non ?

A propos d'où vient le doublement de la voyelle dans la francisation du verbe "to lose" ?

Écrit par : thomas | lundi, 19 juin 2006

C'est à cause de *looping*.
Ca se prononce pareil, et il y a 2 "O".

Quoi mon explication est nulle ? Rhooo z'êtes pas drôles...

Écrit par : Maitre Capellovi-Kir | lundi, 19 juin 2006

Ben oui c'est de la loose de mettre fin à une relation au bout de 10 ans (11 en fait...); j'ai un peu l'impression d'avoir perdu mon temps; ce qu'il faut dire surtout c'est que j'aurais dû le faire bien avant, environ 6 mois après le début de cette relation quand le bad boy de mon coeur (c'est dingue que je l'aime encore...) a commencé à me gueuler dessus et à m'insulter pour un oui ou pour un non; ou alors quand il m'a trompée avec ma 1/2 soeur 5 ans plus tard ??? Alors, c'est qui la looseuse du jour, de l'année, du siècle ?!

Écrit par : Carareglisse | lundi, 19 juin 2006

Ah bien le coup de la demie-soeur !
Kir : dans rigolo aussi il y a 2 "O". Mais ça ne marche pas. Va comprendre.

Écrit par : thomas | lundi, 19 juin 2006

Et pendant ce temps la, un grand nombre de Francais parlent de Reebok en tant que "Ribouk" (ca fait vraiment con ecrit comme ca !!!). Pourtant la, il n'y a qu'un seul "O" !

Écrit par : PF | lundi, 19 juin 2006

Je suis d'accord, Madame Kundera est bien chanceuse.

Écrit par : mettetal | mardi, 20 juin 2006

@ thomas : bah alors ? malheureusement il y en beaucoup des jours en creux ... trop !

Écrit par : Mister la fée - Chic type | mardi, 20 juin 2006

Je découvre ce blog et n'ai donc pas suivi le départ, l'absence et le retour. Puisque pas lu tous les billets mais pioché au hasard ;-) Mais je viens de lire ici quelques lignes qui m'ont beaucoup rappelé certains de mes samedis ou dimanches. Des "jours en creux". A quelques différences près. Mais c'est tellement vrai...

Écrit par : Zoé | dimanche, 25 juin 2006

Zoé : aaah, j'adore avoir un nouveau commentateur sur mes pages. Et plus encore quand c'est une commentatrice, bien évidemment, au joli prénom et aux charmants yeux verts ;) Ces "jours en creux", ce n'est pas forcément le samedi ou le dimanche, je dirais même que ça ne peut pas être le week end ou pendant les vacances, parce qu'il n'y aurait pas la dimension de scrupule et de solitude qu'on éprouve à ne rien faire quand tout le monde bosse. Know what i mean ? Je viens te lire dès que possible.

Écrit par : thomas | dimanche, 25 juin 2006

"J’en reviens pas d’être là, comme ça, face au miroir, j’en reviens pas que ce soit moi"

Etonnant de se rendre compte de ça hein. J'ai jamais pu me faire à cette sensation. Avoir conscience de sa conscience...

Écrit par : B. | dimanche, 13 août 2006

Tiens, je te lis pendant que tu me lis...ça ne m'était jamais arrivé...rigolo...

Écrit par : noir intense 35 | samedi, 31 mars 2007

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