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mardi, 06 juin 2006

vingt-cinq (avec mon p'tit bouquet)

Puisque hier il faisait beau, et que j’avais décidé de remettre à aujourd’hui le début de ma grande semaine de remotivation (lundi de pentecôte oblige), j’ai pensé que je pourrais tenter l’expérience dite du bouquet à l’inconnue. Ca tombait bien, en rentrant de chez Constance de bon matin, l’humeur radieuse comme on pourra se l’imaginer, je n’ai croisé que d’absolues beautés fraîchement écloses de l’été, toutes vêtues de tenues légères, la jambe déjà bronzée et le cheveu doré. Je ne m’explique toujours pas l’effet du soleil sur les filles, c’est un véritable miracle ; au moindre rayon, les voilà qui sortent la tête de leur carapace hivernale, prêtes à chanter les vacances et enchanter les garçons. J’ai failli m’évanouir en croisant une petite ; la pauvre, ça ne devait pas dépasser les dix-sept ans, peut-être même seize, mais c’était l’incarnation du divin. Quelle sensation ça peut être de porter si haut la beauté ? Mystère. Bon, seize ans, malheureusement ce n’est de toute façon pas possible.

Bouleversons un peu, une fois n’est pas coutume, l’ordre chronologique de la narration. Sautons quelques heures et plaçons-nous dès à présent dans la situation du Mossian tout embouquetté de pivoines et de tournesols, et de bien d’autres fleurs bucoliques et coquines dont je ne connais pas les noms, à l’entrée Ouest du Jardin des Plantes. J’avais prévu de longer la ménagerie, puis d’aller me poster à l’entrée principale, côté Seine, afin de remonter l’allée centrale. C’était bien ma veine si je ne croisais pas quelque délicieuse à qui présenter mes hommages et mes fleurs, un genou à terre, avant de m’éclipser à contre-jour, le cœur fier et léger. Mais, j’étais mal préparé. D’abord, il faisait chaud et j’avais gardé ma veste, suffisamment encombré que j’étais par mon volumineux bouquet. Disons-le tout net, quand il fait chaud, j’ai une sale gueule. Quand il fait froid aussi, vous me direz, mais ça c’est un peu pareil pour tout le monde. Et puis, comme disait l’autre, avec mon p’tit bouquet, j’avais l’air d’un con. C’est sûr, tout le monde me regardait et rigolait. Un peu freiné par ces considérations embarrassantes, je me suis en outre assez vite rendu compte que l’endroit lui-même était assez mal choisi. Dans l’ensemble, on croisait plus de mamans à poussettes, d’enfants geignards et de chiens langue pendante que de jeunes filles en fleur. Il y avait même des gars qui faisaient leur jogging, pour le glamour, on a vu mieux.

Je ruminais ma bêtise et commençait à maudire ce journal et ses lecteurs, qui m’avaient poussé au ridicule sans que je ne me rende compte de rien, quand j’aperçus une petite jeune femme, la trentaine charmante, qui lisait sur un banc. C’était un peu embêtant qu’elle soit assise, ne pas la croiser ça ferait moins naturel, mais allez, ça me laissait le temps de réfléchir à un plan d’action. Parce que je ne savais pas trop de quelle manière aborder mon sujet. Finalement, pourquoi j’offrais des fleurs à une inconnue ? J’avais pas envie de passer pour un vilain pervers en imperméable, écumant les allées des jardins publics pour trouver une victime à harceler. Bon, j’ai pris mon parti (« pense à l’expérience », me répétais-je intérieurement) et me suis élancé avec un air d’innocence épurée finement dosé d’une pointe de malice :
— Pardon de vous déranger, bonjour, voilà j’ai ce bouquet de fleurs et je ne sais plus trop quoi en faire, j’ai pensé que peut-être il vous ferait plaisir ? (sourire idiot, goutte à la tempe et cœur qui bat)
— Vous avez un bouquet de fleurs et vous ne savez plus quoi en faire ? Pourquoi vous ne l’offrez pas à votre petite amie ? Ca lui fera plaisir, à elle !
L’argument choc. Imparable. Merde, c’était déjà mal barré. Lui dire que je n’avais pas de petite amie, c’était me condamner à la position de l’imposteur, du type louche qui n’a rien à faire avec des fleurs. Lui avouer l’expérience, et c’était le refus sans concession. J’ai tenté le tout pour le tout :
— Elles ne vous plaisent pas ? C’est à cause des tournesols ?
— Oh mais non, mais si, beaucoup, elle sont très belles…
— Et bien prenez-les. (sourire de gendre idéal)
Franchement, elle a bien failli les accepter. Elle allait tendre le bras et puis une dernière idée mauvaise a dû lui venir à l’esprit, enfin je sais pas, mais elle a souri non, vraiment, merci, avant de replonger le nez dans son roman.

J’ai ravalé ma gêne et ma honte, lui ai dit tant pis au revoir sans même chercher un ultime petit trait d’humour, puis j’ai tourné les talons. L’échec. Pire : l’humiliation. J’avais l’air malin ! Fini l’expérience, fini les fleurs. Going back home. Quelle idée j’avais eu, on veut faire plaisir et voilà ce qui arrive. Le bouquet, j’aurais pu le donner à Constance, mais ç’aurait été comme lui offrir des chaussures d’occasion... Du coup il traîne chez moi dans une bouteille d’eau découpée, parce que des vases, faut pas rêver y en a pas ici. Allez, c’est pas grave, pour une fois qu’un végétal passe la porte de chez moi.

Cela dit, mon échange avec la fleuriste, quelques heures plus tôt, a été particulièrement réussi. C’était une petite jeune fille de vingt ou vingt-deux ans environ, jolie sans être un miracle, avec les cheveux courts à la garçonne et un tablier qui s’il ne mettait pas vraiment ses formes en valeur, lui donnait un petit air mutin, voire coquin, suffisamment agréable à l’œil pour que j’engage la conversation sur des sujets plus avancés. La mignonne était donc en train de me conseiller sur le bouquet quand je me suis posé la question toute bête de savoir s’il arrivait qu’on offre des fleurs aux fleuristes. Pourquoi pas, finalement, moi j’ai jamais trouvé que les cordonniers étaient particulièrement mal chaussés. Et bien pas du tout, elle s’est arrêtée tout net la fille quand je lui ai demandé, elle s’est retournée avec un grand sourire marrant et elle m’a répondu que ça, non, depuis qu’elle était employée dans cette boutique on ne lui avait pas offert la moindre tige, et c’était la première fois qu’elle s’en rendait compte. On a rigolé, et enchaîné sur une petite conversation légère, badine, et pleine de sous-entendus - du moins de ma part. C’est toujours plus facile de séduire les fleuristes, c’est comme quand on achète des bijoux, on passe pour l’amant idéal qui fait des cadeaux avec le sourire. Bref, tout ça m’a suffi pour avoir envie de l’entraîner dans l’arrière boutique, mais allez, on n’est pas des animaux, et puis elle aurait sans doute pas été d'accord.

J’ai pensé plus tard que mon bouquet, j’aurais pu lui ramener à cette jolie petite fleuriste délaissée, elle aussi était une inconnue finalement. Mais bon ç’aurait été comme de lui avouer que je m’étais fait rembarrer. C’était lui dire que ses fleurs elles plaisaient à personne…

Commentaires

Eh bah moi je les aurais bien voulu les fleurs...passe dans le 10 ème, je bosse là bas ! :p

Écrit par : karine | mardi, 06 juin 2006

T'aurais du les offrir à la fleuriste.
Imagine comme ça doit être difficile de faire toutes la journée des bouquets magnifiques pour des petites amies, maîtresses, femmes, soeurs, mères ou même inconnues, sans jamais en recevoir soi même.

Remarque ca se trouve elle en reçoit tous les jours aussi, je sais pas

Écrit par : Soph | mardi, 06 juin 2006

L'endroit était mal choisi, certainement! J'étais hier en terrasse près du Canal St Martin et ai vu passer plein de jolis garçons... mais aucun avec un bouquet de fleurs.... résignée, je suis rentrée chez moi le coeur lourd. Je me suis dit: "Ce n'est pas encore aujourd'hui que Thomas m'offrira des fleurs". La prochaine fois j'irai boire un thé à la Mosquée de Paris, peut-être que j'aurai plus de chance de te croiser dans ton quartier...

Écrit par : Ana | mardi, 06 juin 2006

Pourtant, il te suffisait de faire quelques mètres et d'atterrir dans la rue Mouffetard qui regorge de demoiselles (notamment une petite libraire).

(sinon, moi, je suis dans le 4è... je tente, qui sait... ;)

Écrit par : missb | mardi, 06 juin 2006

Missb : rue Mouffetard ? Pour tomber cent fois sur le même modèle de petite étudiante en débardeur-501-ballerines ? Merci bien !

Missb, Ana, Karine : ben quoi, on vous offre jamais de fleurs ? Vous en accepteriez, de la part d'un inconnu ?

SDoph : elle me les vend, la fleuriste, je peux difficilement lui offrir. Quoi, elle connaît le prix !

Écrit par : thomas | mardi, 06 juin 2006

Ah ouais c vrai j'avais pas pensé au prix.
bah sinon tu te les offres à toi.
C'est joli des fleurs dans un appart.

Écrit par : Soph | mardi, 06 juin 2006

Sophie (je t'appelle Sophie, si ça ne t'embête pas) : Mais, t'as sauté trois paragraphes toi ou quoi ? ;) Elles SONT chez moi.

Écrit par : thomas | mardi, 06 juin 2006

Moi je crois que je les accepterais, mais en même temps si l'inconnu en question me dit: "je ne sais pas quoi en faire", je pense que je suis le Plan B, et ça, ça ne me plaît pas du tout!

Écrit par : Ana | mardi, 06 juin 2006

Rien d'intelligent à dire ce midi. Je digère (tu me diras je pourrais aussi me passer de laisser un commentaire. Mais tu serais n peu déçu non ?) ;-)
Si, un truc : t as pas froid aux yeux toi. Bravo.

Écrit par : Brige, en pleine béatitude digestive, | mardi, 06 juin 2006

Ana : tu mets en lumière toutes les raisons de mon échec.
Brige : il n'y a en effet pas grand chose à ajouter. Mais c'est vrai aussi que j'aurais été déçu de ne pas avoir un petit souvenir de ta visite :) Tu les aurais acceptées toi les fleurs ?

Écrit par : thomas | mardi, 06 juin 2006

Décidemment.... Je vais aller me cacher très loin.
J'ai la tête pleine de trous en ce moment!!
(Et oui, tu peux m'appeler Sophie, maintenant qu'on se connait un peu mieux!!)
Euh, moi les fleurs je les aurais prises, c'est comme les promos ou les cadeaux, ça se refuse pas. C'est vrai quoi, pauvres fleurs, et elles alors, qu'est ce qu'elles ont ressenti, hein? Rejetées de toutes parts!!

Écrit par : Soph | mardi, 06 juin 2006

Peut être que ça été aussi dur pour elle de dire non. Ça la tentait bien, c'est beau des fleurs, c'est beau un homme qui offre des fleurs , vous vous seriez compliciés quelques instants, c'est dèjà ça de pris, et elle aurait eu un truc à raconter à ses copines.

Ou alors elle a cru que tu voulais la droguer pour revendre ses reins.

Écrit par : Zaz, ground control | mardi, 06 juin 2006

"jolie sans être un miracle".....

Écrit par : Maxime | mardi, 06 juin 2006

j'adore

Écrit par : Maxime | mardi, 06 juin 2006

entre nous, qu'importe vraiment la motivation profonde de l'inconnu qui vous offre des pivoines ?

Écrit par : anne k | mercredi, 07 juin 2006

Ben moi je l'aurais pris, l'inconnu qui offre des fleurs ça m'a toujours fait fantasmer. Heureusement qu'il existe encore des mecs qui ont ce genre d'idée...

Tien st'es là anne-K...

Écrit par : Princessebv | mercredi, 07 juin 2006

@Thomas : ben venant de toi oui. D un inconnu franchement je sais pas ;-) Oh allez oui, j ai envie de dire. Sauf si c'est Guy Georges.

Écrit par : Brige | mercredi, 07 juin 2006

@Zaz : le coup des reins, j aime beaucoup. Suis tout à fait assez tourdu epour inmaginer des trucs comme ça moi aussi ;-)

Écrit par : Brige | mercredi, 07 juin 2006

Brige : merci... Que ce soit toi qui les accepte, en plus, ça m'aurait réconcilié avec le romantisme. :)
Princessbv (bienvenue !) et toutes celles qui auraient accepté, je crois que de nos jours (j'ai bientôt 67 ans) ce genre de geste gratuit est devenu tellement peu naturel qu'il en est louche. Sans faire Guy Georges, ça fait un peu le mec qui cherche à niquer, quand même, non ?

Écrit par : thomas | mercredi, 07 juin 2006

thomas > tout dépend de comment l'inconnu offre des fleurs. La façon dont s'est fait, la présentation, l'élocution, etc. jouent pour beaucoup. Je pense que j'aurais accepté les fleurs (à moins d'être dans une situation peu pratique : je me rends à un entretien, par ex. -je sais "romantisme quand tu nous tiens...") ;-)

Écrit par : missb | mercredi, 07 juin 2006

En même temps, si tu te parfumes à l'Impulse, faut pas s'étonner !

Écrit par : Kir | dimanche, 18 juin 2006

Je ne me parfume qu'à l'aventure.

Écrit par : thomas | lundi, 19 juin 2006

Il y a une règle fondamentale lorsqu'on veut faire quelque chose de fou et qu'on doit y prendre du plaisir c'est ignorer le regard des autres...Moi les fleurs, je les avais acceptées, c'était un bouquet de violettes...je m'en souviens comme si c'était hier...

Écrit par : noir intense 35 | samedi, 31 mars 2007

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