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dimanche, 24 septembre 2006

quarante-neuf (les fausses routes)

C’est dommage, la journée avait vraiment bien commencé. Après une très bonne soirée hier (ah, mais toute la journée de vendredi fut bonne, j’ai bouclé un travail en moins de temps qu’il n’en faut pour le taper sur le clavier) et une excellente nuit passée à cuver vaillament mon vin, j’ai été réveillé par les chauds rayons de soleil qui baignaient la capitale. Je me suis levé, l’esprit vierge de tout programme, à part celui de rentrer chez moi prendre une douche et manger un morceau - oui, j’ai dormi ailleurs, mais seul, n’est-ce pas. Croque-monsieur parfaitement réussi, accompagné d’une verte et fraîche salade. C’est que j’ai décidé de manger équilibré et de tenter de perdre les deux insupportables kilos qui se sont tranquillement installés, vermines, parasites, lors de mon inactivité estivale. Afin de retrouver mon corps d’athlète de seconde zone, la quantité, pantagruélique certes, de fromage que j’ai l’habitude d’enfourner entre les tranches de pain et de jambon s’est ainsi tragiquement vue réduite à la portion congrue. Tiens, je pense à l’instant que je n’ai plus de balance, puisque je me servais de celle de Constance et que la petite nous a quitté jeudi dernier pour sa province nouvelle. Plus de maîtresse ni de balance, il va falloir chercher ailleurs la motivation pour maigrir.

J’avais d’ailleurs pris rendez-vous par la suite à 17h30 devant l’Opéra Garnier, et je pensais y aller à pieds ; au bout de dix minutes de marche, je me suis engouffré avec bonheur dans une bouche de métro. Bref, c’est pas gagné... En sortant, je suis par malchance tombé en plein milieu d’une manifestation aux motivations pas très claires. En gros, il y avait des drapeaux du Liban et de la Syrie, des barbus, des femmes voilées, mais aussi des formations « gays et lesbiennes contre la guerre », des bobos à poussettes descendus de Montmartre, des bannières en Hébreu, et bien sûr la cohorte habituelle des pique-revendications, ceux qui mangent à tous les râteliers manifestants du moment que ça gueule bien, que ça peut cracher par-terre et sur les flics, verbalement du moins, en toute impunité, et que ça croit faire la révolution prolétarienne : j’ai nommé les marxistes-léninistes, les drapeaux noirs, la CNT, j’en passe et des meilleures. Ici et là, des portraits des leaders terroristes moyen-orientaux, exactement ceux qu’on ne croyait pouvoir apercevoir qu’à la télévision, le soir vers vingt heures. Un moment, une femme qui aurait pu être ma boulangère s’est mise à hurler « vive le Hezbollah » comme une harpie dont on déchire les entrailles. Une drôle d’impression. Plus loin, une sorte de camionnette aménagée en tribune s’est installée devant l’Opéra : s’y succédaient plusieurs personnages discourant dans un micro, et se contredisant bien involontairement les uns les autres, quand ce n’était pas le même orateur qui disait oui en disant non. Ca m’a rappelé le mea culpa de Zidane en juillet dernier, qui affirmait regretter son geste malheureux contre Materrazzi mais qui, ça va de soi, n’aurait rien changé si c’était à refaire. Merci Zinedine, t’as tout bon. Mais le plus curieux dans cette histoire de manifestation, c’est que j’ai eu beau demander à tous les acteurs du drame, du simple porteur de drapeau au barbu le plus farouche, en passant par le policeman au coin de la rue, à bonne distance, personne n’a su m’informer sur les tenants et les aboutissants de l’événement. On en restera là, quoi que je serais curieux de savoir ce que vont en rapporter nos amis les médias.

Comment j’ai pu retrouver, dans cette inextricable cohue, les deux personnes avec qui j’avais pris rendez-vous, demeure un épais mystère. Toujours est-il que nous avons fui au plus vite, et que pour changer radicalement l’ambiance, nous avons filé au Ritz, à deux pas. On aurait pas pu trouver mieux. Un endroit qui, quoi qu’on en pense, ne fait pas de discrimination, c’est bien le vénérable établissement. Malgré ses ors, ses tapis rouges, sa porte tournante et son personnel tiré à quatre épingles, on peut y rentrer sans problème, ni remarque, ni le moindre regard de travers, aussi mal rasé que je l’étais aujourd’hui - et en baskets pourries, encore. En fait, sa sélection, le Ritz ne la fait que par l’argent. Quelle révélation, n’est-ce pas. Bon enfin moi personnellement je m’en cogne, puisqu’on avait l’amabilité de m’inviter, et qu’on est plus riche que moi de quelques millions. J’avais donc le droit de prendre place dans le jardin de derrière, fort agréable ma foi, d’où s’élançaient quelques notes de harpes – comment ça une vraie harpiste, bien évidemment - qui semblait régler délicatement le ballet des serveurs ; et je dois d’ailleurs préciser que je n’étais pas celui qui dénotait le plus. On a pu distinguer deux jeunes Américaines en slim et Ray Ban, qui attaquaient rageusement leurs assiettes tout en hurlant dans leurs téléphones portables. Elles sont heureusement parties assez vite. Un peu à l’écart, il y avait un type en blazer bleu, couronne de cheveux, nez oriental, avec une gueule qui me disait quelque chose ; il sortait sa poule et lui faisait boire du champagne à six heures de l’après-midi. Quand on imagine seulement le prix de la bouteille (les plus chères atteignent les cinq mille euros, tout de même), on en viendrait presque à lui souhaiter qu’il fasse un bon investissement sur l’avenir. Je m’en souviendrai la prochaine fois que je devrai en mettre plein la vue à une fille, en espérant bien sûr qu’elle ne se mette pas à commander cinquante grammes de Beluga... En tout cas, naviguer entre deux mondes si différents, opposés, presque adversaires, qui se font face à cent mètres l’un de l’autre, ça fiche un drôle de mal de mer. Je ne connais ni l’un ni l’autre, je n’appartiens ni à l’un ni à l’autre et aucun ne pourrait me convenir ; je ne sais pas où aller et à vrai dire, je ne sais décidément pas où je vais.

Bon, je sors de là, le voiturier m’avance ma Bentley mais je vais préférer la marche. Ah, on me fait signe que non, la Bentley n’était pas pour moi ; ça tombe bien alors. Comme à l’allée, je finis le trajet en métro. A l’arrivée, il pleut. Il fait presque nuit. J’envisage de me faire un petit plat de sale perso, avec du vin et un film dans mon fauteuil, mais la nouveauté c’est que mon lecteur DVD ne marche plus. Pas envie de sortir ; du coup, ce billet se pond presque tout seul. Lui non plus n’était pas prévu. Ni réfléchi d’ailleurs, ni travaillé, ou encore de grande qualité. A propos, je crois que ce qui va se passer désormais sur ces pages, c’est qu’il s’y publiera de temps en temps une note écrite un soir d’ennui, de désoeuvrement, de solitude, ou plutôt un soir où je sentirais le besoin de taper sur un clavier ; parce que si j’écrivais à chaque moment de solitude, de désoeuvrement ou d’ennui, on ne serait pas sorti de l’auberge. Peut-être sera-ce toutes les semaines, ou deux fois par mois, ou moins encore. Je tente cette méthode, puisque celle de l’effort et du labeur n’a pas été payante sur le long terme, à mon grand regret. Et oui, c’est comme un forfait qu’on déclare. Un aveu de faiblesse, en somme. C’est difficile de ne jamais réussir à choisir ses qualités. Celles grâces auxquelles on décide de se construire. Je me rêve en homme fort et tenace, stoïque, je m’efforce à toujours réfléchir, prendre du recul, mettre en balance, je me lance dans de vains combats, contre les kilos superflus par exemple, et je finis comme toujours par me vautrer dans la facilité, l’accessible, le connu. Mais le vrai luxe, c’est ça : la tranquillité. Qu’il s’agisse de payer vingt-cinq euros son mojito pour échapper aux réalités d’un monde qui gronde juste derrière la porte tournante, ou se soustraire à ses obligations de réflection, d’analyse, parce qu’on est paresseux, qu’on préfère se saborder que de continuer, on en revient toujours au même souhait : celui de ne pas être dérangé.

Je me demande si j’ai déjà, au cours de ma trentenaire existence, fait le moindre choix, ou si au contraire tout ne s’est pas imposé à moi parce que je suis paresseux et que je prends toujours la voie la plus praticable, la moins fatigante, la moins dangereuse. Tu parles d’un luxe. Les choses viennent à moi, ou pas, amis de circonstance, rencontrés par hasard et accompagnés par concordance des temps plus que des sentiments, carrière aléatoire qui s’est décidée toute seule et souvent contre mon gré, femmes auxquelles je m’attache parce qu’elles ne me rejettent pas, et jusqu’à cette note écrite parce que mon lecteur DVD a rendu l’âme. J’ai beau dire je, j’ai beau dire moi, c’est parfois à se demander s’il n’y a pas quelqu’un derrière qui tient la plume à ma place.

Commentaires

Tout d'abord : Quel plaisir de te lire à nouveau!
Un très bon choix que celui de tapoter ton clavier hier soir, après tout, tu aurais pu commencer à lire un nouveau bouquin où naviguer de pages en pages sur l'immense espace internet.
Ne pas se forcer, tu as raison.
Quant à se faire balloter par la vie, je crois que ça arrive à tout le monde, de temps en temps. On fait des choix de toute manière même s'ils ne sont pas flagrants ou s'ils apparaissent comme des évidences. Le choix d'ouvrir ce blog par exemple. ou pas. Le choix d'y préserver ton anonymat. Ou pas. Etc... pour le reste de ta vie que je ne connais pas.
bisous!
:o))

Écrit par : libellul | dimanche, 24 septembre 2006

Reste à souhaiter égoïstement que tes moments de solitude et d'ennui soient quand même relativement fréquents; j'avoue avoir une préférence pour le Thomas plus spontané, le style est plus digeste mais le contenu toujours aussi passionnant (Hezbollah contre Ritz, excellent!). Quant aux choix de vie, difficile à analyser... j'ai fait dans ma vie certains choix qui n'ont pas marché et m'ont obligée à prendre des chemins auxquels je n'avais initialement pas pensé mais qui étaient bien meilleurs pour moi. Et parfois certaines de mes décisions étaient erronées et j'ai regretté de les avoir prises... que dire d'autre à part "c'est la vie" et que c'est aussi bien de "laisser venir"?

Écrit par : Ana | dimanche, 24 septembre 2006

Moi, j'espère toujours être dérangée par d'heureux accidents.
C'est chouette de te lire enfin. Fais comme tu veux, mais s'il te plaît, dis à celui qui tient la plume qu'il ne la lâche pas.

Écrit par : garance | dimanche, 24 septembre 2006

Champagne à 6h de l'après midi, c'était pas pour impressionner sa poule, mais à des fins de désaltération post-manifestation. Comme avec du Gatorade mais plus cher. Et moins sportif.
Good to have you back.

Écrit par : Zaz, reine de la confiture | dimanche, 24 septembre 2006

il y a bien longtemps que je ne crois plus aux choix dans la vie; les plus chanceux ont appris ça depuis l'enfance, quand leurs parents les ont ballotés de droite et de gauche; changés d'école; ont divorcé; vendu la maison; les ont séparés de leur chien, de leurs amis et de leurs grands-parents; etc; voilà le pli est pris; merci papa, merci maman; grâce à vous j'ai appris très jeune; grosses désillusion évitées par la suite; (... si seulement c'était vrai);
sinon pour la tentative de régime et de bien bouffer je compatis mille fois; je vis le même drame chaque jour; aujourd'hui j'avais prévu une pomme et une banane pour mon goûter; je les ai mangées c'est pas la question; mais ensuite j'ai craqué pour un gros kinder bueno; et encore il n'y avait plus d'argent sur ma carte "caffe", j'ai donc pas pu prendre en plus le mars delight que je convoitais de toute la force des mes papilles;

Écrit par : cara | dimanche, 24 septembre 2006

Tant de mondes si différents qui se cotoient dans une même ville... Hier en balade au coeur de Saint Germain des Prés, rue du Four, place Saint Sulpice. Partout de belles boutiques pleines de fringues horriblement chères. Des modasses en jean slim, pull à rayures et ballerines arpentant les trottoirs les bras chargés de sacs de marque. Et puis il y a 1/2 heure, errant dans Paris en scooter en tentant de revenir de Bercy, passée par Belleville, Ménilmontant, Stalingrad, Barbès. Bloquée sur les boulevards grouillant de monde. D'hommes surtout. Ni hier ni aujourd'hui je ne me sentais à ma place.

Écrit par : Zoé | dimanche, 24 septembre 2006

Mon Thomas, je ne sais pas non plus où je vais.
Mon lecteur dvd fonctionne mais je n'ai plus envie de louer de films.
Mon blog fonctionne mais j'ai envie de le laisser en silence.

Tu m'emmènes quand au Ritz ? Oh, pas pour m'en mettre plein la vue, juste pour faire semblant, juste pour me mentir, juste pour faire comme si. Au point où j'en suis...

Je n'aime pas particulièrement la harpe et pourtant je pense que ce ne doit pas être désagréable dans ces conditions. On n'est pas obligé d'écouter, on peut se contenter d'entendre au loin quelques notes.

C'est agréable de côtoyer deux mondes sans vraiment les pénétrer, en restant détaché.

Choix : action de choisir, de prendre quelqu'un, quelque chose de préférence à un(e) ou plusieurs autres.

Thomas, tu choisis tout de même un peu, même s'il est clair que le choix se fait entre des possibilités sans doute limitées. Et choisir la tranquillité, c'est choisir tout de même. Pourquoi le choix devrait-il forcément être audacieux ?

Quant à celui qui tiendrait éventuellement la plume à ta place, c'est sans doute celui qu'il est le plus difficile de connaître : toi.

Moon, désespérante

Écrit par : Moon | dimanche, 24 septembre 2006

OUFFFF! tu nous reviens enfin... un grand plaisir de te lire à nouveau...
mais je n'aurais qu'une question, qui me brûle les lèvres, à propos de cet extrait : "...se soustraire à ses obligations de réflection..." ; qu'entends-tu par "réflection"? sonder son être, le scruter, s'observer soi-même en toute circonstance, se voir voyant?
la "réflexion", suivie d "analyse" semble plus appropriée...?
me trompe-je?
PS: je trouve cette note spontanée ; je le savais que tu n'avais pas besoin de passer des heures et des heures perfectionnistes, à paufiner tes écrits (écrits qui conservaient cependant, la spontanéité!)... des écrits bruts, jetés sur le clavier, pleins de la vraie vie, "grmbrlll, que c'est bon!"!
bonne nuitée.
sophia

Écrit par : sofu-sofu | lundi, 25 septembre 2006

tu me donnes la sensation d'appartenir à aucun de ses univers mais en même temps à tous. les gueulards, les bourgeois, les faux bourgeois, les "simples passants" etc...
quelle que soit l'humeur dans laquelle tu es à l'écriture de chacun de tes billets, tu es frais, spontané, réfléchi, drôle, triste, réaliste, rêveur... c'est tout un charme dans une seule (ou deux, ou dix...) et même personne.

Écrit par : Dorothée | lundi, 25 septembre 2006

oui oui oui plaisir juste plaisir ...

Écrit par : Mini Fée | lundi, 25 septembre 2006

Déjà nés sans le faire exprès, on est mal barrés dans la vie pour faire des choix.

Écrit par : FritztheCat | mercredi, 27 septembre 2006

Les fausses routes... vaste sujet. Tu ne parles pas de ceux que tu y laisses. Sur le bord de la route I mean. Car si toi tu as l impression de ne pas avoir choisi, qui te dit qu il en est de même pour les autres ? ...

Écrit par : Chic fille de bonne comapgnie | mercredi, 27 septembre 2006

allez thomas, ne te laisse pas abattre comme ça; reviens;
puisqu'on te dit que nous aussi on se laisse mener par le bout du nez par la vie; c'est la règle du jeu; tu n'y peux rien; tu n'es pas fautif; pas la peine de bouder;
tu as aujourd'hui le choix de rester prostré dans ton coin; ou de relever la tête et de continuer à avancer le sourire aux lèvres; car malgré tout, même si elle est plus souvent subie que choisie, la vie est belle; elle te réserve des surprises; de merveilleux cadeaux; comme ça au détour de ton chemin; sans que tu t'y attendes; et si ça se trouve les choix que tu aurais faits t'en aurais éloigné; tu ne sais pas où t'emmènes ta vie ? c'est peut être justement ça qui est beau non ? ce serait très ennuyeux de tout contrôler, ne penses-tu pas ?

Écrit par : cara | jeudi, 28 septembre 2006

Bon - je ne vais quand même pas relancer un appel à témoins? Et dire que Thomas ne vient même plus nous rendre visite!

Écrit par : Ana | vendredi, 29 septembre 2006

Salut tout le monde. Plus trop le temps de traîner par ici, plus trop l'envie non plus, d'ailleurs. Mais les encouragements font toujours plaisir, vraiment, ça me motive pour écrire encore. La suite, bientôt. Pour répondre à Ana, je rends des visites, oui, à droite à gauche, mais plus espacées. Je lis, puis je file. C'est cyclique tout ça, ça reviendra.

Cara : je ne me laisse pas aller, et je ne boude pas d'ailleurs, promis ! La bise sincère.
FritztheCat : on est bien d'accord tous les deux...
Chic fille : que dire ? Ne s'est on pas suffisamment expliqué en off ?

Écrit par : Thomas | vendredi, 29 septembre 2006

J'attendrais ..... !

Écrit par : Dalida | samedi, 30 septembre 2006

et la note 50 au fait...........

Écrit par : O' | dimanche, 01 octobre 2006

Si on s'est"assez expliqués". Je constate juste que ton point de vue est éminemment égocentrique. That s all.

Écrit par : Chic etc... | lundi, 02 octobre 2006

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